lundi 5 août 2013

Jour J !


Tirée d’un bon sommeil à 4h50, je me lève d’un bond pour répéter l’exercice de la veille et prendre ma deuxième douche à la chlorhexidine. Une fois Chéri prêt, nous partons pour l’hôpital situé à quelques centaines de mètres de chez moi. Je dois y être pour six heures précises et pas question d’être en retard. Là-bas, les choses déboulent rapidement.  Je me présente à l’admission puis je signe les consentements d’usage. On me met un beau bracelet et on m’indique ma chambre que je peux rejoindre après avoir fourni encore une fois un échantillon d’urine, cette fois-ci pour le test de grossesse obligatoire avant la chirurgie. À mon arrivée à l’unité de soins, on m’annonce que mon opération est prévue à 9h45. Je m’installe dans ma chambre et puisque je tombe de sommeil, je suggère à Chéri de partir tout de suite au travail pour venir me retrouver plus tôt en après-midi.  De toute façon, ma soeur est en route car c’est elle qui vient prendre le relais pour la journée. Une infirmière fait son entrée, me pose quelques questions, me fait signer d’autres consentements et prend mes signes vitaux. Je m’endors.

8h30, ma soeur arrive, accompagnée de son leardership légendaire et de son efficacité hors du commun. Le temps d’échanger quelques mots, j’entreprends d’enfiler ma superbe jaquette d’hôpital. Je commence à peine à comprendre comment vêtir cet accoutrement qu’un préposé m’interpelle de l’autre côté du rideau.  Apparemment, je pars maintenant pour la salle d’op. Jaquette enfilée, dernier pipi en vitesse, le préposé vérifie mon bracelet et me roule dans mon lit jusqu’aux portes du bloc opératoire sous l’oeil vigilant de ma soeur qui d’une sociabilité excessive connaît déjà le CV du bonhomme ainsi que le nombre d’enfants qu’il a.

Bye bye Soeurette, les portes s’ouvrent et je me retrouve seule de l’autre côté, mon lit face à un mur. J’attends. Je sens que mon rythme cardiaque s’accélère légèrement. Quelqu’un vient vérifier mon bracelet et me fait mettre un bonnet. En remarquant mon abondante tignasse, il me dit qu’il peut m’en donner un deuxième. Il me demande pourquoi je suis là.

- Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté GAUCHE (je veux m'assurer qu'on opère le bon côté !)

L’anesthésiste arrive.  Une dame très gentille qui vérifie mon bracelet et me demande pourquoi je suis là.

- Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté GAUCHE.

Elle me pose quelques questions. Je lui explique que j’ai choisi l’anesthésie rachidienne et que je souhaite être consciente et en pleine possession de mes moyens pendant toute la durée de la chirurgie.  Je lui demande quand même si je pourrais avoir un Ativan au cas où.

- Non, dit-elle, il est trop tard.  Je vous donnerai un petit quelque chose dans la salle.

Le petit quelque chose, je le sais, c’est du Versed et je lui dis que je veux la dose minimum, uniquement pour me sentir calme.  Je ne veux PAS dormir, je ne veux PAS être confuse. J’attends ce jour depuis longtemps. Je suis préparée. Je sais exactement ce qu’on va me faire et je veux être lucide.

Je me retrouve seule à nouveau. Silence... Je regarde le mur. Je me sens épuisée, soulagée, triste. Je pense à ma mère. Je suis heureuse de savoir ma soeur pas loin.

9h40, on me roule dans la salle d’op. On me transfert sur la table d’opération. On me demande mon nom complet, ma date de naissance et pourquoi je suis là. Je regarde mon chirurgien désespérée.

- Vous ne savez pas pourquoi je suis là ???!!!

- Certainement madame, mais vous devez nous le dire vous-même.

- Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté GAUCHE.

Une petite shot de Versed et je me sens subitement plus calme mais totalement réveillée. Deux personnes me tiennent pendant que je reçois ma péridurale. On me couche sur le côté droit. Mon bras droit est sous moi, mon gauche est sur une tablette. On me met une couverture chaude et un papier bleu qui m’empêche de voir ma hanche. Ça tombe bien, je n’ai pas particulièrement envie de regarder. Mon courage a ses limites. C’est silencieux. Je ne sens plus mes jambes. Je me demande si je suis déjà ouverte. J’ai la réponse dix secondes plus tard quand j’entends la scie.

C’est parti !!!

Les minutes s’écoulent. Je me sens calme. J’entends la scie et les coups de marteaux. Ça fait bouger le haut de mon corps. J’entends le chirurgien qui explique à son assistant ce qu’il fait.

- Il faut faire attention de ne pas toucher le nerfs…

J’attends. Je pense. Je pense à mon amoureux et au sourire qu’il m’a fait avant de partir. Je pense à mes enfants. Je pense que bientôt peut-être, je n’aurai plus mal. Scie, marteau, perceuse, marteau,perceuse, scie. J’entends aussi un bruit d’aspiration, un peu comme chez le dentiste quand on nous aspire la salive sauf que là, c’est mon sang qu’on aspire. La couverture chaude me donne vraiment chaud et je commence à avoir mal au coeur. Je le dis à l’anesthésiste qui constate que ma pression baisse et que c’est ce qui doit me donner la nausée.  Elle m’injecte du Zofran et enlève la couverture. Je me sens mieux instantanément. J’entends le chirurgien qui donne des indications sur la dimension de la pièce à apporter. Idéalement, on espère que mes jambes seront de longueur égale après l’intervention. Il choisit minutieusement.   Ça me rassure car ma pire crainte dans cette histoire est de ne plus avoir les jambes de la même longueur. J’entends encore quelques bruits de construction puis plus rien. Une voix féminine fait le décompte des compresses. Je sais que lors d’une chirurgie, le personnel connaît exactement le nombre de compresses présentes dans la salle et que le patient n’est pas refermé tant que le décompte n’est pas complet. Je comprends que c’est bientôt terminé.

- Huit compresses, trois lames, 250 ml de sang perdu (que je vois d’ailleurs dans un récipient transparent posé un peu plus loin par terre).

Hourra, tout le monde semble bien content et j’entends l’agrafeuse. Clac, clac, clac, au moins dix fois.

- Madame D., tout s’est très bien passé. Votre os était très usé. Je vous souhaite une bonne convalescence et je vous revois dans deux mois. Vous pouvez commencer à faire du vélo stationnaire dans quatre semaines.

- Merci infiniment Docteur V.

On me remet sur le dos, on me transfert dans mon lit et j’aboutis dans la salle de réveil, salle qui porte très bien son nom car il est impossible d’y être tranquille. Il est 11h. On prend mes signes vitaux et on me couvre de plusieurs couvertures. On vient m’installer des espèces de pantoufles à velcro qui branchées à une machine se gonflent et me serrent les pieds en alternance à un rythme régulier.  Elles servent à stimuler la circulation et éviter les complications comme les thromboses. Pouf ! Pouf ! Je les trouve rigolotes mais je ne les sens pas pour l’instant. Je demande à boire. J’ai droit à une gorgée d’eau. Je passe une heure dans la salle de réveil où on vérifie très souvent mes signes vitaux. On vient même prendre une radiographie de ma hanche sur place avec une machine portative.  Midi pile, je suis dans ma chambre.

En après-midi, je me sens plutôt bien mais on ne me laisse jamais tranquille. On me bourre de Tylenol, Colace (émollient pour les selles), Celebrex.  J’ai une pompe PCA pour m’injecter de la Morphine moi-même mais mes jambes sont encore gelées, la gauche plus que la droite car j’ai reçu un anesthésiant local en plus de la péridurale. On vérifie régulièrement mes signes vitaux et mon pansement. Je n’ai pas le droit de manger mais je bois de l’eau. Ma soeur est là et veille sur moi. Je suis de bonne humeur. Ma machine à pantoufles gonflantes est défectueuse. On me l’enlève alors que je suis supposée la garder 72 heures. On me dit que c’était la dernière et que je dois attendre qu’un patient parte pour que je puisse prendre la sienne. Ma soeur ne le prend pas. Quelques instants après, j’ai une nouvelle machine.

Fin d’aprem Chéri arrive et ma soeur s’en va. Je me sens plutôt bien. Chéri passe environ deux heures avec moi. Je ne sais plus, c’est nébuleux. Lorsqu’il s’en va, je m’endors. Je n’ai pas le droit de souper mais je ne ressens pas la faim. Par contre, j’ai soif et je traîne un mauvais goût dans la bouche. Je bois de l’eau et je suis hydratée en permanence par un sac de Kcl. Vers 20h., je soulève la tête de mon lit pour faire pipi sur la bassine. Je me sens mal. Je sonne. L’infirmière accourt. Ma pression est trop basse. On me fait un bolus de Lactate Ringer et on me donne aussi du Gravol iv. Je me force à boire un bouillon de poulet salé. Ma soirée et ma nuit sont catastrophiques. Je me sens faible et nauséeuse. Le mauvais goût dans ma bouche s’accentue. On me dérange sans cesse pour prendre mes signes vitaux et me donner des médicaments. Je suis incapable de faire pipi sur la bassine. Je sens que j’ai envie mais c’est comme si je ne trouvais pas le muscle servant à uriner. On mesure mon niveau d’urine grâce à un scanner placé sur ma vessie. J’ai plus d’un litre. Le protocole exige qu’on nous vide la vessie lorsque celle-ci contient plus de 350ml d’urine. Me vla dans de beaux draps ! On me met un cathéter. Aouch ! Une fois le litre vidé, on le retire. On veut changer mon piqué. On me bardasse dans tous les sens. J’ai mal. Je pleure. Je dors peu cette nuit-là. Je tente d’aller sur la bassine mais je ne fais que quelques gouttes chaque fois. Il faut dire que ce n’est pas habituel pour un adulte normal d’uriner couché et en plus, une bassine dure sous une hanche fraîchement opérée, c’est pas super confortable. 

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