Tirée
d’un bon sommeil à 4h50, je me lève d’un bond pour répéter
l’exercice de la veille et prendre ma deuxième douche à la
chlorhexidine. Une fois Chéri prêt, nous partons pour l’hôpital
situé à quelques centaines de mètres de chez moi. Je dois y être
pour six heures précises et pas question d’être en retard.
Là-bas, les choses déboulent rapidement. Je me présente à
l’admission puis je signe les consentements d’usage. On me met un
beau bracelet et on m’indique ma chambre que je peux rejoindre
après avoir fourni encore une fois un échantillon d’urine, cette
fois-ci pour le test de grossesse obligatoire avant la chirurgie. À
mon arrivée à l’unité de soins, on m’annonce que mon opération
est prévue à 9h45. Je m’installe dans ma chambre et puisque je
tombe de sommeil, je suggère à Chéri de partir tout de suite au
travail pour venir me retrouver plus tôt en après-midi. De
toute façon, ma soeur est en route car c’est elle qui vient
prendre le relais pour la journée. Une infirmière fait son entrée,
me pose quelques questions, me fait signer d’autres consentements
et prend mes signes vitaux. Je m’endors.
8h30,
ma soeur arrive, accompagnée de son leardership légendaire et de
son efficacité hors du commun. Le temps d’échanger quelques mots,
j’entreprends d’enfiler ma superbe jaquette d’hôpital. Je
commence à peine à comprendre comment vêtir cet accoutrement qu’un
préposé m’interpelle de l’autre côté du rideau.
Apparemment, je pars maintenant pour la salle d’op. Jaquette
enfilée, dernier pipi en vitesse, le préposé vérifie mon bracelet
et me roule dans mon lit jusqu’aux portes du bloc opératoire sous
l’oeil vigilant de ma soeur qui d’une sociabilité excessive
connaît déjà le CV du bonhomme ainsi que le nombre d’enfants
qu’il a.
-
Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté
GAUCHE (je veux m'assurer qu'on opère le bon côté !)
L’anesthésiste
arrive. Une dame très gentille qui vérifie mon bracelet et me
demande pourquoi je suis là.
-
Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté
GAUCHE.
Elle
me pose quelques questions. Je lui explique que j’ai choisi
l’anesthésie rachidienne et que je souhaite être consciente et en
pleine possession de mes moyens pendant toute la durée de la
chirurgie. Je lui demande quand même si je pourrais avoir un
Ativan au cas où.
-
Non, dit-elle, il est trop tard. Je vous donnerai un petit
quelque chose dans la salle.
Le
petit quelque chose, je le sais, c’est du Versed et je lui dis que
je veux la dose minimum, uniquement pour me sentir calme. Je ne
veux PAS dormir, je ne veux PAS être confuse. J’attends ce jour
depuis longtemps. Je suis préparée. Je sais exactement ce qu’on
va me faire et je veux être lucide.
Je me retrouve seule à nouveau. Silence... Je regarde le mur. Je me sens épuisée, soulagée, triste. Je pense à ma mère. Je suis heureuse de savoir ma soeur pas loin.
Je me retrouve seule à nouveau. Silence... Je regarde le mur. Je me sens épuisée, soulagée, triste. Je pense à ma mère. Je suis heureuse de savoir ma soeur pas loin.
9h40,
on me roule dans la salle d’op. On me transfert sur la table
d’opération. On me demande mon nom complet, ma date de naissance
et pourquoi je suis là. Je regarde mon chirurgien désespérée.
-
Vous ne savez pas pourquoi je suis là ???!!!
-
Certainement madame, mais vous devez nous le dire vous-même.
-
Je suis là pour recevoir une prothèse totale de hanche, côté
GAUCHE.
Une
petite shot de Versed et je me sens subitement plus calme mais
totalement réveillée. Deux personnes me tiennent pendant que je
reçois ma péridurale. On me couche sur le côté droit. Mon bras
droit est sous moi, mon gauche est sur une tablette. On me met une
couverture chaude et un papier bleu qui m’empêche de voir ma
hanche. Ça tombe bien, je n’ai pas particulièrement envie de
regarder. Mon courage a ses limites. C’est silencieux. Je ne sens
plus mes jambes. Je me demande si je suis déjà ouverte. J’ai la
réponse dix secondes plus tard quand j’entends la scie.
C’est
parti !!!
Les
minutes s’écoulent. Je me sens calme. J’entends la scie et les
coups de marteaux. Ça fait bouger le haut de mon corps. J’entends
le chirurgien qui explique à son assistant ce qu’il fait.
-
Il faut faire attention de ne pas toucher le nerfs…
J’attends.
Je pense. Je pense à mon amoureux et au sourire qu’il m’a fait
avant de partir. Je pense à mes enfants. Je pense que bientôt
peut-être, je n’aurai plus mal. Scie, marteau, perceuse,
marteau,perceuse, scie. J’entends aussi un bruit d’aspiration, un
peu comme chez le dentiste quand on nous aspire la salive sauf que
là, c’est mon sang qu’on aspire. La couverture chaude me donne
vraiment chaud et je commence à avoir mal au coeur. Je le dis à
l’anesthésiste qui constate que ma pression baisse et que c’est
ce qui doit me donner la nausée. Elle m’injecte du Zofran et
enlève la couverture. Je me sens mieux instantanément. J’entends
le chirurgien qui donne des indications sur la dimension de la pièce
à apporter. Idéalement, on espère que mes jambes seront de
longueur égale après l’intervention. Il choisit minutieusement.
Ça me rassure car ma pire crainte dans cette histoire est de ne plus
avoir les jambes de la même longueur. J’entends encore
quelques bruits de construction puis plus rien. Une voix féminine
fait le décompte des compresses. Je sais que lors d’une chirurgie,
le personnel connaît exactement le nombre de compresses présentes
dans la salle et que le patient n’est pas refermé tant que le
décompte n’est pas complet. Je comprends que c’est bientôt
terminé.
-
Huit compresses, trois lames, 250 ml de sang perdu (que je vois
d’ailleurs dans un récipient transparent posé un peu plus loin
par terre).
Hourra,
tout le monde semble bien content et j’entends l’agrafeuse. Clac,
clac, clac, au moins dix fois.
-
Madame D., tout s’est très bien passé. Votre os était très usé.
Je vous souhaite une bonne convalescence et je vous revois dans deux
mois. Vous pouvez commencer à faire du vélo stationnaire dans
quatre semaines.
-
Merci infiniment Docteur V.
On
me remet sur le dos, on me transfert dans mon lit et j’aboutis dans
la salle de réveil, salle qui porte très bien son nom car il est
impossible d’y être tranquille. Il est 11h. On
prend mes signes vitaux et on me couvre de plusieurs couvertures. On
vient m’installer des espèces de pantoufles à velcro qui
branchées à une machine se gonflent et me serrent les pieds en
alternance à un rythme régulier. Elles servent à stimuler la
circulation et éviter les complications comme les thromboses. Pouf !
Pouf ! Je les trouve rigolotes mais je ne les sens pas pour
l’instant. Je demande à boire. J’ai droit à une gorgée d’eau.
Je passe une heure dans la salle de réveil où on vérifie très
souvent mes signes vitaux. On vient même prendre une radiographie
de ma hanche sur place avec une machine portative. Midi pile,
je suis dans ma chambre.
En
après-midi, je me sens plutôt bien mais on ne me laisse jamais
tranquille. On me bourre de Tylenol, Colace (émollient pour les
selles), Celebrex. J’ai une pompe PCA pour m’injecter de la
Morphine moi-même mais mes jambes sont encore gelées, la gauche
plus que la droite car j’ai reçu un anesthésiant local en plus de
la péridurale. On vérifie régulièrement mes signes vitaux et mon
pansement. Je n’ai pas le droit de manger mais je bois de l’eau.
Ma soeur est là et veille sur moi. Je suis de bonne humeur. Ma
machine à pantoufles gonflantes est défectueuse. On me l’enlève
alors que je suis supposée la garder 72 heures. On me dit que
c’était la dernière et que je dois attendre qu’un patient parte
pour que je puisse prendre la sienne. Ma soeur ne le prend pas.
Quelques instants après, j’ai une nouvelle machine.
Fin
d’aprem Chéri arrive et ma soeur s’en va. Je me sens plutôt
bien. Chéri passe environ deux heures avec moi. Je ne sais plus,
c’est nébuleux. Lorsqu’il s’en va, je m’endors. Je n’ai
pas le droit de souper mais je ne ressens pas la faim. Par contre,
j’ai soif et je traîne un mauvais goût dans la bouche. Je bois de
l’eau et je suis hydratée en permanence par un sac de Kcl. Vers
20h., je soulève la tête de mon lit pour faire pipi sur la bassine.
Je me sens mal. Je sonne. L’infirmière accourt. Ma pression est
trop basse. On me fait un bolus de Lactate Ringer et on me donne
aussi du Gravol iv. Je me force à boire un bouillon de poulet salé.
Ma soirée et ma nuit sont catastrophiques. Je me sens faible et
nauséeuse. Le mauvais goût dans ma bouche s’accentue. On me
dérange sans cesse pour prendre mes signes vitaux et me donner des
médicaments. Je suis incapable de faire pipi sur la bassine. Je sens
que j’ai envie mais c’est comme si je ne trouvais pas le muscle
servant à uriner. On mesure mon niveau d’urine grâce à un
scanner placé sur ma vessie. J’ai plus d’un litre. Le protocole
exige qu’on nous vide la vessie lorsque celle-ci contient plus de
350ml d’urine. Me vla dans de beaux draps ! On me met un cathéter.
Aouch ! Une fois le litre vidé, on le retire. On veut changer mon
piqué. On me bardasse dans tous les sens. J’ai mal. Je pleure. Je
dors peu cette nuit-là. Je tente d’aller sur la bassine mais je ne
fais que quelques gouttes chaque fois. Il faut dire que ce n’est
pas habituel pour un adulte normal d’uriner couché et en plus, une
bassine dure sous une hanche fraîchement opérée, c’est pas super
confortable.
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